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Apaisement
стихотворения [ ]

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по [Jeanne_Neis_Nabert ]

2015-01-29  | [Этот текст следует читать на // Русском francais]    |  Submited by Guy Rancourt




Viens, tais-toi, l’ombre est douce au cœur qui se déchire
Et je souffrirai moins sous les arbres en fleurs ;
Je sens autour de moi la terre qui soupire
Comme un être d’amour sensible à nos douleurs.

Lorsque le vent des bois chante auprès de ma couche,
Par les longs soirs d’été quand se répand la nuit,
Quand la brise en passant me baise sur la bouche,
Ah ! n’est-ce pas une âme errante qui me suit ?

Quoi ces arbres muets qui m’ouvrent un asile,
Les rameaux éployés balancés par les vents
Ne sont qu’une matière et le jouet fragile
De la mort et du temps ?

Non, je sens et je crois que l’ombre palpitante
Ces arbres embaumés au fond du bois épais,
Puisqu’ils ont une voix qui nous console et chante
Doivent avoir une âme et nous aimer, qui sait ?

Quel pouvoir ont ces bois en leurs vertes ramures
Pour rassurer les cœurs ;
Et pourquoi trouvons-nous à leurs vagues murmures
Des mots consolateurs ?
Pourquoi chaque frisson de la feuille plaintive
Trouve un écho secret
Dans notre âme, comme elle, errante et fugitive ?
Comme un ami discret
Pourquoi l’arbre, toujours étendant ses ombrages
Pour abriter nos pleurs,
Nous jette aux jours heureux semés sur nos passages,
La moisson de ses fleurs ?

Quand nous crions : Je souffre ! et qu’au monde personne
Ne répond : « viens à moi ! »
Quand nous ne voyons plus un regard qui pardonne,
Quand l’espoir et la foi
S’en vont à la dérive, au fil de nos pensées,
-Épaves du malheur, -
Et que pour recueillir ces idoles brisées
Il n’est pas un Sauveur ;
Quand tout nous abandonne et que la mort enlève
Nos êtres adorés,
Quand la réalité s’enfuit comme le rêve
Nous laissant ignorés,
Isolés dans la foule et sans aucun refuge
Pour arrêter nos pas ;
Quand on voudrait mourir sans la crainte d’un juge,
Lorsque nous n’aimons pas…
Ô nature ! ô forêts ! sources ! fleurs odorantes,
Il faut aller à vous,
Se bercer aux langueurs de vos voix murmurantes,
Se jeter à genoux,
Écouter vos accents, contempler en prière
Votre unique beauté.
C’est assez de t’avoir, ô divine lumière
Don de l’Immensité !
C’est assez de bonheur pour souhaiter de vivre
Que d’entendre le soir
Passer des vols d’oiseaux qui nous disent de suivre
La route de l’espoir !
C’est assez de bonheur qu’oublier sa détresse
En rêvant près des flots
Quand ils viennent la nuit en vagues de tristesse
Répondre à nos sanglots !
C’est que dans l’Univers, Dieu lui-même se penche
Vers l’humaine douleur :
Pleine d’apaisement dans notre âme s’épanche
L’âme du créateur.


Castel rhû, Audierne, 1902

(Jeanne Neis Nabert, alias Sijenna, Humble moisson, 1903, p. 54-56)

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