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по [Tarass_CHEVTCHENKO ]

2022-05-14  | [Этот текст следует читать на // Русском francais]    |  Submited by Guy Rancourt





Mes pensées, ô mes pensées,
Comme vous me troublez !
Pourquoi vous couchez-vous sur le papier
En si tristes rangées ?
Pourquoi le vent ne vous a-t-il pas dispersées
Dans la steppe, comme de la poussière ?
Pourquoi le malheur ne vous a-t-il pas bercées
Comme l’enfant l’est par sa mère ?
Car c’est le malheur qui, pour se moquer, vous a engendrées,
Les larmes vous ont baignées… Pourquoi ne vous ont-elles pas dissipées,
Portées à la mer, diluées dans la terre ?
Les gens ne me demanderaient pas ce qui me fait souffrir,
Ni pour quelle raison je maudis mon avenir,
Ni pourquoi je languis dans ce monde. — « Rien à faire »,
Pour se moquer, ils ne le diraient pas…

Ô mes fleurs, mes enfants !
Pourquoi vous ai-je donc chéries, pourquoi vous ai-je élevées ?
Existe-t-il sur cette terre un cœur pour vous pleurer
Comme je l’ai fait ? Je pense avoir deviné…
Peut-être existe-t-il une jeune fille
Au grand cœur, aux yeux foncés,
Pour pleurer sur ces pensées ?
Moi, je ne veux plus pleurer...
Une seule larme de ces yeux foncés
Et je serais le seigneur des seigneurs !
[...]

Mes pensées, ô mes pensées,
Mes fleurs, mes enfants !
Je vous ai élevées, je vous ai choyées,
Que faire de vous maintenant ?
Allez en Ukraine, mes enfants,
Dans notre Ukraine,
Comme les orphelins longeant des palis,
Et moi, je mourrai ici.
Là-bas vous trouverez un grand cœur
Et des mots bienveillants,
Là-bas vous trouverez la vérité,
Et peut-être même la gloire…

Accueille, ma tendre mère,
Ô mon Ukraine,
Mes enfants innocents
Comme ton propre enfant.

Saint-Pétersbourg, 1840

Traduit par Darya Clarinard
(Taras Chevtchenko, Kobzar, Les Éditions Bleu & Jaune, Paris, 2015. www.editionsbleuetjaune.fr)


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